Une photographie anthropodécentrée ?

Une pratique photographique anthropocentrée est pour moi une photographie que ne met pas l’homme et son point de vue au centre de tout jugement éthique ou esthétique.

Mais elle ne l’exclue pas pour autant.

C’est une photographie qui n’affirme pas a priori (« c’est bien » / « ce n’est pas bien », « c’est beau » / « ce n’est pas beau »…), mais qui interroge le sens pour la communauté que nous formons avec le monde vivant.

C’est une orientation de l’écriture et de la lecture photographique vers une autre sensibilité.

Esthétiques d’un monde sauvage en ruine

J’ai qualifié mes photographies, en fait l’ensemble de mon travail quel que soit la forme qu’il prenne, « d’Esthétiques d’un monde sauvage en ruines ».

Mon approche est esthétique, sensible. Cela n’empêche pas le caractère documentaire.
Il s’agit de l’apprentissage d’une sensibilité nouvelle, formule que j’emprunte à Bruno Latour. Elle renvoie à l’étymologie et à l’ancien sens, la capacité à « percevoir » et à être « concerné », du mot esthétique. Bien sûr il peut y avoir plusieurs esthétiques, comme le précise le pluriel ici utilisé.

Les différentes formes esthétiques sont utilisées pour saisir un « monde sauvage en ruines ».
Le sauvage s’oppose au domestique. Le domestique, c’est ce qui est plus ou moins sous le contrôle de l’homme. Cette dichotomie, ce continuum, cette interrelation, me semble plus importante, et surtout plus pertinente, que la classique opposition nature / culture.

Dans nos sociétés, sur nos territoires (principalement occidentaux), il n’y a presque plus rien qui ne soit pas contrôlé par l’homme. Un certain monde sauvage a été ruiné…

C’est un constat.

Le rappeler, l’affirmer, ne circonscrit pas et ne réduit en rien le champ exploré, au contraire : c’est une incitation à appréhender d’une autre façon le milieu terrestre et ses habitants qui y coévoluent, et d’attirer l’attention vers une autre sensibilité, une autre esthétique.